by Jean-Sébastien Brégain, Directeur Général, WordAppeal
La saison des rapports annuels est ouverte ! Les créas agitent leurs palettes, les dispositifs commencent à s’élaborer, les premiers chemins de fer sortent de terre… en tentant de répondre à la question du moment : que faire du reporting intégré ?
Quatorze groupes du CAC 40 ont déjà fait le choix d’un rapport intégré cette année et ce chiffre pourrait doubler pour les éditions 2017 qui sont en cours de définition. Les rapports intégrés ont donc le vent en poupe ! Prenons 5 minutes pour en comprendre les enjeux et partager les pratiques des grands groupes cotés.
Le rapport intégré est bien plus qu’un énième support dans les « collections annuelles », il matérialise une démarche nouvelle.
Une récente étude menée par State Street Global Advisors confirme ce qui s’impose comme une tendance de fond : pour 68 % des investisseurs institutionnels, l’intégration de critères environnementaux, sociaux et gouvernance (ESG) contribue à améliorer les performances de leurs investissements. Ces investisseurs voient d’un très bon œil le déploiement des reportings intégrés qui se rapprochent de leurs propres grilles d’analyse en prenant en compte des facteurs de durabilité. La démarche de reporting intégré s’inscrit, en effet, dans un temps long. Elle vise à démontrer en quoi les activités d’une entreprise concourent, de manière « durable, à la création de valeur.
Durable ? Mais cela fait déjà plus 10 ans que les entreprises publient des rapports de développement durable… Qu’y a-t-il de nouveau ?
La première génération de rapports de développement durable illustrait les grandes questions auxquels les entreprises choisissaient de répondre. Mais, sous la pression de groupes externes, le cadre de référence a évolué pour prendre en compte de nouveaux indicateurs (notamment GRI Standards) et intégrer l’étude de matérialité. La matérialité part de l’évaluation des risques pouvant affecter le développement d’une entreprise ; ces risques sont regroupés et priorisés par enjeux et par parties prenantes. La matrice de matérialité d’ENGIE (l’un des premiers à avoir initié la démarche) fait ainsi apparaître des attentes fortes et convergentes concernant les ambitions du groupe et leur mise en œuvre en matière de transition énergétique. L’engagement dans le long terme avec un dialogue soutenu au niveau local est clé pour accompagner cette transition et en assurer l’appropriation. Beaucoup d’acteurs publics locaux sont, par exemple, favorables à l’éolien, moins lorsqu’un parc d’éoliennes s’installe sur leur commune.
La matrice de matérialité sert de colonne vertébrale au rapport intégré qui explicite et illustre les enjeux qui en sont issus.
Le rapport intégré interroge donc la stratégie de l’entreprise. Qui sont les clients ? Comment leurs besoins et leur environnement – notamment réglementaire – évoluent ? La direction financière (associée parfois à la RSE) joue un nouveau rôle pivot en interrogeant et en impliquant dans la démarche les autres parties prenantes internes (commerciales, RH, opérations, etc.). Ces dernières démontrent la création de valeur apportée par leur travail sur un horizon allant de 3 à 5 ans. Orchestré par la direction financière, le rapport intégré est donc une « œuvre collective ». Il permet d’appréhender le business model et l’avantage concurrentiel des entreprises. On comprend mieux pourquoi les investisseurs institutionnels y sont sensibles.
Cette année, 14 groupes du CAC 40 ont produit un rapport intégré. C’est peu, mais c’est déjà 8 de plus qu’en 2016.
Sur ces 14 groupes, on peut distinguer 2 ensembles.
Il y a tout d’abord les groupes qui formalisent un rapport dédié venant s’ajouter au rapport annuel et au document de référence. Ce rapport peut être, à l’instar de Valeo, un extrait du document de référence ou éditorialement conçu de manière spécifique comme Danone. Pour ce dernier, l’objectif est d’ailleurs posé dès la page d’accueil du site dédié « Découvrez comment Danone créée de la valeur au-delà de l’économie traditionnelle et comment son engagement de co-construire un monde en bonne santé s’exprime sur le terrain ». Signalons également Atos qui prend le soin d’inscrire ce rapport dans la collection annuelle en rappelant la vocation de chaque publication.
Et puis il y a ceux qui poussent la démarche… jusqu’à n’avoir qu’un seul rapport, fusionnant rapport annuel et rapport intégré. C’est le choix opéré pour, pour l’édition 2016 par 8 groupes du CAC 40, dont AXA (102 pages), ArcelorMittal (184 pages), Orange (98 pages pour son Note-book) ou encore Crédit Agricole SA (dont le rapport annuel intégré 2016-2017 est le plus « resserré », avec 40 pages).
Vous vous interrogez sur le contenu et la structure de ces rapports ?
S’il n’y a pas de plan type, ils sont généralement structurés en 3 grandes parties. Les premières pages ouvrent sur la présentation de l’environnement marché et la vision singulière qu’en a l’entreprise ; l’expression des attentes des parties prenantes et la stratégie déployée. Le second volet présente la réponse opérationnelle en termes d’organisation, de gestion des risques et de gouvernance. Une troisième partie propose un suivi des performances au travers des indicateurs sélectionnés. À noter : Atos propose dans son rapport une table de concordance avec l’index GRI.
Les formats digitaux de ces rapports sont relativement peu élaborés. Il n’y a que 6 rapports qui font l’objet d’un mini-site. Parmi eux, celui de Solvay s’illustre par la richesse des contenus (témoignages vidéos de parties prenantes) et par les outils offerts (comparateurs de données, exports Excel, etc.). Un site riche… pour un rapport qui ne l’est pas moins (la version PDF fait 240 pages tout de même).
Au rayon des publications institutionnelles, le rapport intégré n’a pas encore détrôné le sacro-saint rapport annuel.
Mais pour ceux qui hésitent encore, il n’y a plus beaucoup de questions à se poser : le nombre de rapports intégrés double chaque année. Ceux qui ont opéré la bascule vers la démarche intégrée reconnaissent qu’elle permet à tous les niveaux d’améliorer la connaissance de l’entreprise… et donc sa valeur. Gageons que la valeur intrinsèque de ce document sera, elle aussi, largement reconnue.
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